Protection de l’enfant dans les familles exposées à la problématique d’une dépendance: comment les aider et les protéger? Le troisième atelier qualité organisé à Zurich a été consacré aux situations de mise en danger et aux possibilités de soutien aux familles touchées par une dépendance. Les thèses ont été explicitées et les discussions animées...
«Protection de l’enfant dans les familles exposées à la problématique d’une dépendance: comment les aider et les protéger?». C’est sous ce titre qu’a eu lieu le troisième atelier qualité à Zurich le 20 novembre 2018, en coopération avec la fondation aebi-hus et l’association Espoir. Les professionnels invités à cette manifestation spécialisée et gratuite s’intéressent aux clarifications du bien-être de l’enfant, aux missions de soutien et de décision en la matière, d’un point de vue pragmatique, scientifique ou théorique.
Les questions au cœur de cette manifestation ont été de savoir à quels dangers les enfants et adolescents des familles confrontées à une problématique de dépendance étaient exposés et comment les protéger efficacement dans ces situations périlleuses. L’accent a donc été mis sur des thèmes tels que la collaboration entre les différents acteurs, les mesures utiles et les possibilités de protection prénatale de l’enfant.
Après trois brèves interventions faites par PD Dr. Ana Paula Simões-Wüst, directrice d’un groupe de recherche en obstétrique de l’hôpital universitaire de Zurich, Christine Gäumann, responsable de la Psychiatrie pour adolescents et jeunes adultes en psychiatrie intégrée de Winterthour dans l’Unterland zurichois et Stephan Germundson, président de l’association DIE ALTERNATIVE pour une thérapie globale des dépendances, les deux modératrices Clarissa Schär (membre du comité directeur de la Communauté d’intérêt pour la qualité de la protection de l’enfant) et Christina Weber Khan (experte indépendante en droit de l’enfant) ont ouvert une discussion plénière qui a permis aux spécialistes présents d’échanger de façon intense et passionnée sur les différentes facettes du sujet.
Le fait qu’une forte consommation d’alcool durant la grossesse entraine des troubles et des conséquences durables chez les enfants n’est guère surprenant. Ce qui l’est beaucoup plus, c’est, comme le révèlent des données empiriques, qu’une faible consommation d’alcool durant la grossesse (>32 g par semaine) ait des répercussions. Elle peut provoquer par exemple des naissances prématurées ou faire que l’enfant naisse avec un faible poids. Même si une faible consommation d’alcool durant la grossesse n’entraine le plus souvent aucune séquelle, elle représente un risque potentiel qui illustre la pertinence de la prévention (au sens de l’information et de la sensibilisation). C’est bien d’ailleurs ce sujet de la prévention qui a suscité les débats les plus controversés. Car les observations établissent que ces dernières années, des ressources croissantes ont été consacrées au domaine de la prévention, notamment à destination des enfants en bas-âge et des primaires, au détriment de celles allouées au soutien des adolescents subissant l’impact concret de problématiques de dépendances de leurs parents. Cette répartition des ressources frappe d’autant plus qu’on estime qu’il existe des antécédents de maladies psychique ou de dépendance des parents pour 60 % des jeunes patient(e)s pris en charge dans les établissements psychiatriques, ce qui témoigne de la nécessité du soutien qui doit leur être apporté.
Dans le débat, les principes de volontariat et de relation parents-enfants, souvent tenus en haute estime, sont battus en brèche. Certains avancent que dans les familles avec des problématiques de dépendance des parents, le délai d’attente est trop long avant qu’on en arrive à un avis de mise en danger. Parce que les spécialistes impliqués ont peur de briser le lien de confiance avec les parents par le signalement, ou que leur client(e) soit stigmatisé(e). Par ailleurs, la nécessité du retrait du droit de déterminer le lieu de résidence (art. 310 CC) a été évoqué en lien avec le placement, même si celui-ci est volontaire. Les foyers doivent pouvoir compter sur une situation claire pour ne pas être confrontés à des parents dépendants qui viennent soudainement rechercher leur enfant. Le nécessaire changement d’image des foyers a également été abordé. Ils doivent être reconnus comme des lieux où l’on traite les traumatismes et non comme ceux qui les provoquent.
Ces débats ont fait ressortir un besoin immense en matière d’offres destinées aux adultes et aux enfants/adolescents issus de familles abimées par la dépendance. Ce qui leur est proposé relève historiquement d’un soutien individuel mais reste insuffisamment intégré à un réseau. Les appels à une mise en réseau structurelle et à une collaboration transdisciplinaire se sont fait entendre. Cela manque de préconisations et d’instructions de la part d’instances spécialisées de référence (telles que la CDAS). Mais cette mise en réseau et cette collaboration interdisciplinaire exigent des financements. Actuellement, les prestations réalisées sans la présence des client(e)s ne sont quasiment pas dédommagées (par ex. la conférence des aidants). Il faudrait aussi de nouvelles mesures, ou bien adapter les mesures existantes, destinées aux parents et aux enfants, pour que les enfants ou adolescents dont les parents sont hospitalisés puissent être pris en charge à leur domicile afin d’assurer un maintien dans leur environnement. Enfin, il faudrait que la situation évolue sur le plan des professionnels et des institutions qui définissent des postures partagées et des modèles d’action pour assurer la qualité de la protection de l’enfant et qui doivent réconcilier «intuition, réflexion et concept», pour reprendre la formule d’une participante.
Pourtant la difficulté de fond de la protection de l’enfant dans les familles confrontées à une problématique de dépendance tient moins au manque de ressources et de mesures, qu’à la façon dont passent inaperçus de nombreux enfants et adolescents perturbés ou en danger qui vivent dans des familles consommant des produits addictifs.
Clarissa Schär